Page:Frère Gilles - L'héritage maudit, 1919.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 49 —

ment toutes les angoisses qui l’ont préparée. Il en est toujours ainsi : s’il en était autrement, le bonheur parfait n’existerait pas sur la terre, et l’on sait qu’il est déjà rare.

IX


Du fait que Céline, comme nous l’avons mentionné, recevait régulièrement le montant de ses fermages, le lecteur a conclu avec sagesse, que son bien avait trouvé un fermier ; et il ne s’égare pas de la vérité. Il ignore peut-être cependant que ce fermier n’était autre que France, accouru d’une paroisse voisine pour reprendre cette terre que, la toute première, il avait servie et aimée. En peu de temps, il avait rendu au bien son ancienne prospérité, au grand contentement de Mérance, comme on peut bien le deviner.

On était à la fin de juin. Ce matin-là, tante Mérance était descendue de bonne heure à son jardin, afin de profiter de la rosée pour sarcler un carré d’oignons, dont elle avait eu les plants de Melle Cédulie, qui en faisait une spécialité comme nous le savons. Penchée vers la terre, la tête enfouie dans sa capeline, elle ne s’aperçut pas que la veuve Lachance accoudée sur la palissade le long du trottoir, l’appelait doucement. Elle avait l’oreille tellement dure cette pauvre vieille, qu’il fallut que Tébaldo jappât pour qu’elle leva la tête en disant : Marches-tu ! Elle vit alors la veuve Lachance :

— Mais c’est vous, madame, Lachance ? dit-elle en se redressant, quel bon vent vous amène ?