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LES CHOSES QUI S’EN VONT

jours d’une faux de l’autre saison, après l’avoir onctueusement repassée sur la meule pour m’en faire accroire. Mais en revanche, en ai-je affilé des faux, le soir après l’école, près de la corde de bois et jusqu’à la lumière du fanal souvent ! Car il fallait à tout de reste des faux bien coupantes, surtout quand les faucheux devaient attaquer la grand’pièce de la terre-forte, où le mil était gros et raide comme des broches à tricoter. En les affilant la veille au soir, ils pouvaient se rendre aux champs drès le matin, profiter de la fraîche pour eux-mêmes et de la rosée pour les faux, afin d’en ménager ainsi la coupe.

Au petit jour, vous auriez pu les voir descendre, la faux en balan sur l’épaule, en train de mâchouiller une tige de mil prise le long du chemin. Chacun prenait alors sa menée, plus ou moins large, selon sa force et son adresse. Promenant ensuite sa faux mordante dans le foin, plus tendre et plus pâle à la tige, il ramenait avec force, à sa gauche, le lourd éventail palpitant et fleuri qui formait l’andain. Puis, la faux suspen-