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LES CHOSES QUI S’EN VONT

leur dire adieu. Si elles emportent quelque chose de nous, nous garderons, n’est-il pas vrai, quelque chose d’elles.

Mais ce souvenir que nous désirons garder d’elles, s’il n’est qu’une pensée, un regret, survivra-t-il à la génération qui le professe ? S’il revêtait plutôt, comme c’est l’usage du souvenir, une forme sensible, à laquelle nos traditions pourraient insuffler la vie ; dont nos réminiscences feraient palpiter l’âme toute canadienne ; pour laquelle nos vieux mots du pays seraient un langage ; ne serait-ce pas assurer à ces « choses qui s’en vont… » autant qu’il est en notre pouvoir, une espèce d’immortalité ?

Cette survivance des choses de l’histoire était, pour ainsi dire, toute la religion des peuples anciens. Les monuments que les siècles nous ont conservés ; les statues qui ont surgi des ruines accumulées par le temps, nous disent quelle perfection d’art ces peuples savaient déployer, pour envelopper des formes parfois lourdes et souvent ingrates, dans le réseau serré de leurs