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UN MURILLO

— Et maintenant riche !… je suis riche !… Et cela, après avoir vu disparaître ma dernière ressource
Il avait payé sa dette de sang à
grande patrie
.
avec ce porte-monnaie perdu au moment même où je mettais le pied sur le sol de mon pays ! N’y a-t-il pas là le doigt de la Providence aussi visible qu’il puisse être ?

Et le pinceau allait, venait, brossait toujours, fondant les ombres, assouplissant les contours, accentuant les jeux de lumières…

Et sous l’effet de l’inspiration fébrile, une intensité de vie réellement surprenante éclatait de plus en plus sur la toile, à mesure que l’œuvre avançait et sortait radieuse de l’ébauche.

Mais laissons l’artiste à son travail, et racontons cette histoire de porte-monnaie perdu.

En arrivant à la gare Bonaventure par le train direct de New-York, Maurice Flavigny avait fait transporter ses malles à un hôtel voisin, et avait payé le commissionnaire avec la menue monnaie qu’un Européen porte toujours dans son gousset pour les exigences du pourboire.

Or, rendu à sa chambre, le pauvre jeune homme avait constaté, avec un désespoir facile à imaginer, la disparition de son porte-monnaie, contenant tout ce qui lui restait d’argent.