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MONTFERRAND

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Deux boxeurs anglais renommés luttaient un jour, en 1818, sur le Champ de Mars de Montréal, en présence de la foule et d’une partie des troupes de la garnison. On rapporte que le vainqueur fut proclamé champion du Canada et que le meilleur homme du pays fut appelé séance tenante à lui disputer ce titre. Le sang de Montferrand ne fit qu’un tour : il ne voulait pas laisser la palme à un Anglais ! Selon la coutume du temps, il s’élança dans le cercle et chanta le coq : cela signifiait qu’il relevait le défi. Les gens du quartier Saint-Laurent battirent des mains — ils connaissaient l’enfant qui allait se mesurer contre le boxeur anglais. Leur espoir ne fut point trompé. Montferrand ne porta qu’un seul coup de poing, mais si parfaitement appliqué que son adversaire se déclara incapable de tenir devant lui.

Ses bras, sur le vainqueur, dans sa gloire troublé,
Frappant comme un fléau sur la gerbe de blé.

Le lendemain toute la ville prononçait le nom de Jos. Montferrand. Il avait conquis la faveur populaire ; les sportsmen lui pressaient la main et se le présentaient l’un à l’autre. La candeur avec laquelle il recevait les éloges le faisait encore plus remarquer. Sa bonne figure plaisait aux amateurs du grand jeu.

Mais lui, dans son humble condition, ne cherchait qu’à gagner sa vie et à aider sa famille. Ses instincts étaient du côté du travail. Il exerça pour commencer,