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MONTFERRAND

À l’âge de vingt-cinq ans, il laissa la compagnie pour entrer au service de Joseph Moore qui exploitait des coupes de bois sur la rivière du Nord où il fut conducteur en chef pendant deux ans ; alors, il passa chez Bowman et McGill, marchands de bois. Ce fut son premier voyage en haut de l’Ottawa.

Le commerce de bois prenait des proportions énormes à cette époque. On tirait de l’Ottawa des « cages » qui descendaient le fleuve et faisaient la fortune des entrepreneurs. Les « voyageurs » touchaient de gros gages. Les bons hommes étaient recherchés. Leur rendez-vous à Montréal, se continuait durant tout l’été. Ceux qui avaient fait plusieurs campagnes et qui s’étaient distingués par des actions d’éclat jouissaient d’une notoriété que la jeunesse enviait. L’adresse, le courage et les muscles étaient en grand honneur. Nombre de Canadiens se trouvaient riches sous ce rapport — et ils exploitaient leurs fonds avec tout l’entrain que notre race met dans les choses qui lui plaisent.

Un jour qu’il était porteur de plusieurs milliers de piastres destinées à la paie de ses gens, il fut attaqué, au lac des Sables, par cinq hommes qui voulaient le dévaliser. Malgré leurs bâtons, il assomma trois d’entre eux et s’empara des deux autres pour les livrer à la justice.

Il mettait l’ordre partout : dans la bande, souvent indisciplinée, qu’il commandait ; dans les affaires de ses patrons et jusque dans les écritures des commis, tant sa mémoire était fidèle.

Le lac des Sables est en haut de la rivière du Lièvre, à trente lieues de Buckingham. Ces terrains avaient