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MONTFERRAND

be qu’il maniait comme un fouet, et la souplesse incroyable de tout son corps. Ajoutons à cela un sang-froid qui rendait son courage effrayant.

Le plus souvent, il se battait à la négligence, mais dans les surprises, il déployait tous ses moyens. C’était alors un lutteur homérique. Rien ne l’arrêtait et tout pliait devant son audace. Il semblait avoir un souverain mépris du nombre de ses adversaires, peut-être d’après ce calcul qui consiste à frapper un grand coup sur deux ou trois hommes et à terrifier ainsi toute la bande.

De père en fils, les Montferrand sont charitables. Lorsqu’un pauvre charretier perdait son cheval, les deux frères, Joseph et Louis, allaient par les maisons quêter l’argent nécessaire pour lui acheter une autre bête. Les veuves et les enfants tombés dans la misère trouvaient en eux des protecteurs d’autant plus écoutés qu’ils étaient du peuple, connaissaient toute la ville et étaient estimés dans tous les rangs de la société.

Louis est mort du choléra, à Montréal, en 1832, âgé de vingt-cinq ans. Il n’était pas marié.

* * *

Vers 1828, à Montréal, un major du nom de Jones, appartenant à l’armée anglaise, passait pour un pugiliste invincible. Il affectait un profond mépris des Canadiens. Un jour, dans une buvette de la Place d’Armes, il vit entrer Montferrand et se moqua de lui. Dix minutes après les deux hommes se mesuraient dans la cour de l’établissement. À chaque coup, appliqué d’une main sûre, Montferrand lui disait :