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MONTFERRAND

— Insulterez-vous encore les Canadiens ?

Le major capitula, tout grand boxeur qu’il était.

* * *

En 1828, à Québec, Montferrand pensionnait à l’Hôtel de Québec, tenu par un nommé Beaulieu. Les frères McDonnell, commis de Bowman et McGill, donnaient un bal aux voyageurs. Les officiers d’un navire anglais s’avisèrent de troubler la fête. Ils cherchaient à se mesurer contre les plus vaillants et menaçaient de tout briser dans l’hôtel. C’était la mode du temps. Les McDonell appelèrent au secours : Montferrand descendit de sa chambre. Il tenta d’abord de faire sentir sa force aux intrus, mais ceux-ci s’armèrent de garcettes — alors le véritable bal commença ! Montferrand ne manqua pas un seul officier ; il les laissa tous aux mains des médecins. La chose fit grand bruit par la ville. Les sportmen accoururent le lendemain ; ils venaient des navires en rades et principalement de la garnison. Montferrand ne pouvait suffire à répondre aux éloges dont on l’accablait et aux attentions que lui témoignaient ces visiteurs enthousiasmés.

— Nous avons parmi nous, dit un capitaine, le champion de la marine anglaise ; il est de votre force et serait heureux de voir ce que peut faire contre lui un Canadien.

Le mot n’était pas lâché que Montferrand avait dit : « j’accepte ! » Son patriotisme n’hésitait jamais quoiqu’il aimât médiocrement la bataille par elle-même.

Le rendez-vous était sur le quai de la Reine. Un trait qui peint bien les mœurs du temps, c’est que, outre