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MONTFERRAND

— Tu veux donc mourir ici, maître fourbe, demanda Montferrand. C’est un piège que tu m’as tendu !

Mais Hennessay frappait déjà. Dans cette chambre remplie de monde et toute basse, il fallait mesurer ses mouvements. Lorsque Montferrand inclinait à gauche ou à droite ou rompait, les hommes de Hennessay le repoussait à coups de pied, avec tant de vigueur qu’il en a gardé les traces douloureuses le reste de sa vie. C’est alors que, voyant la situation se compliquer, il déclara qu’il allait se servir de ses pieds et mettre à mort toute la bande. La porte s’ouvrit. On était à la dixième reprise. Hennessay désirait reprendre haleine. Montferrand se plaça dans une espace libre et chanta le couplet le plus agressif de la chanson de son adversaire. Ceci ranima Hennessay, mais à la quinzième reprise il faiblissait visiblement. Montferrand chanta alors :

Un Canadien n’est pas léger
Sachez-en la nouvelle.
Tu ne pourrais pas t’en sauver :
Je viens quand on m’appelle !

Et s’adressant à toute la bande :

— Le meilleur d’entre vous, à présent !

Hennessay réclama le droit de répondre encore une fois. Montferrand para deux ou trois attaques puis tout à coup abaissant son poing sur la figure du téméraire il l’écrasa comme une pomme cuite. Hennessay ne provoqua plus les Canadiens après cela. Il fut tué d’un coup de pistolet dans une bagarre, plusieurs années ensuite.