lança à droite et à gauche, dans les bouillons blancs de la rivière. Au moment de l’attaque, Montferrand avait invoqué la Sainte-Vierge et fait le signe de la croix. L’un des shiners culbutés se releva sur un genou et au moment où la formidable poignée du géant allait lui faire subir le sort des autres, il décrivit sur sa personne avec un air suppliant, le signe de la croix. « Passe derrière, lui dit Montferrand, qui, sans tarder, bondit de nouveau en avant et recommença à abattre des hommes. La bande plia et se mit à courir, mais en même temps, Montferrand se sentit atteint derrière la tête par un coup de pierre ou de bâton. Il se retourna et rabattant son poing sur la poitrine du traître (l’homme au signe de croix) il l’étendit raide à ses pieds, puis, le saisissant par le milieu du corps, le lança dans le gouffre. La scène était horrible. Le sang coulait du parapet dans la rivière. Une foule de gens, rassemblés sur le rivage de Hull, regardaient détaler les shiners qui s’enfuyaient par la route d’Aylmer. Montferrand venait de passer le pont comme il passait partout : en vainqueur.
J’ai été plus embarrassé dans ce travail par l’incertitude des dates et l’abondance des faits que par l’esprit du doute. Montferrand est entré dans l’imagination populaire. Ses exploits ne souffrent point contradiction. Reste à savoir où, quand et de quelle façon telle ou telle chose qui le concerne a eu lieu. Et puis, comme le dit un proverbe : on ne prête qu’aux riches — et que ne lui a-t-on pas prêté ! Son père et son grand-père, personnages célèbres en leur temps se sont en quelque sorte fondus dans sa légende — si bien