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Ils ne se vendaient pas, ceux-là ! Leur âme sainte,
Fidèle à tout devoir, insensible à la crainte,
N’écoutait que la voix de nos droits outragés ;
Flagellant sans pitié les tyrans et les traîtres,
Ils ne baisaient pas, eux, les souliers de nos maîtres…
Mon Dieu, que les temps sont changés !

Oui, les temps sont changés… Chaque chose a son heure.
Maintenant du passé la grande ombre qui pleure
Jette un regard amer vers le sombre avenir…
Avec elle pleurons la gloire qui se voile,
Ou plutôt de l’exil allons suivre l’étoile :
Partons pour ne plus revenir !

Trop faible pour dompter ce servilisme immonde ;
Fuyons-en le contact ; allons de par le monde
Chercher un coin de terre où l’honneur soit resté.
Il faut l’air à mon vol, l’espace à ma pensée,
De nouveaux horizons à mon âme oppressée :
À moi la sainte liberté !

Moderne Chanaan, ou nouvelle Ausonie,
Il est sous le soleil une terre bénie
Où fatigué, vaincu par la vague ou l’écueil,
Le naufragé revoit des rives parfumées
Où cœurs endoloris, nations opprimées
Trouvent un fraternel accueil.

Là, prenant pour guidon la bannière étoilée,
Et suivant dans son vol la république ailée,
Tous les peuples unis vont se donnant la main ;
Là Washington jeta la semence féconde
Qui, principe puissant, fera du Nouveau-Monde,
Le vrai berceau du genre humain.