Page:Fréchette - Poésies choisies, I, 1908.djvu/221

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Un beau matin, plus rien ! Sans tambour ni trompette,
Les Anglais avaient pris la poudre d’escampette.
Battus, manquant de tout, et craignant pour leur peau,
Ils avaient laissé là Cadot et son drapeau,
Et regagnaient Québec par la route du fleuve.

C’étaient huit mois au moins de gagnés.

                                             Mais l’épreuve
Avait été terrible et fatale au vainqueur.
Sur ses neufs compagnons, tous des hommes de cœur,
Cadot ne comptait plus que deux soldats valides ;
Mais c’étaient comme lui deux paroissiens solides,
Qui n’avaient pas souvent, comme on dit, froid aux yeux.

Devant le vieux drapeau dont le pli glorieux,
Sur le fond vert des bois, comme un vol de mouette,
Faisait toujours trembler sa blanche silhouette,
Dans un serment farouche, étrange, solennel,
Ils jurèrent tous trois leur salut éternel
Que, sans faillir, et tant qu’une dernière goutte
De sang leur resterait au cœur, coûte que coûte,
Et dût le monde entier fondre sur le vieux fort,
Tous trois, se roidissant dans un suprême effort,