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C’est là que je l’ai vu, dans les jours solennels,
Rieur, et se faisant craqueter les jointures,
Nous raconter ce qu’il nommait ses aventures.
Il avait élevé seize enfants : huit garçons
— Là-dessus je ne sais plus combien de bessons —
Et huit filles, tous seize installés en ménage.
Il n’en portait pas moins gaillardement son âge.
— J’ai, disait-il, bon pied, bon œil, et sapristi !
Sans me vanter, jamais je ne me suis senti
Si jeune et si dispos que lorsque la cohorte
De mes petits-enfants vient frapper à ma porte.
Et j’en ai, Dieu merci, cent dix-sept, bien comptés !
Beau chiffre, n’est-ce pas ? Tenez, vous plaisantez,
Vous autres, lorsque vous discutez politique,
Nation, avenir ; l’œuvre patriotique,
Jeunes gens, c’est la mienne ! Un homme est éloquent.
Et peut se proclamer bon patriote… quand ?
Quand il a cinquante ans labouré la prairie,
Et donné comme moi cent bras à la Patrie.
Mettez cela dans vos papiers, beaux orateurs ! —
Et, parcourant des yeux son cercle d’auditeurs,
Il éclatait de rire, attendant la réplique.