Page:Frémine - Statue de Napoléon Ier à Cherbourg, 1859.djvu/10

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C’est ce tableau baigné du soleil qui se couche,
Ce groupe, cette tête, ou riante ou farouche,
Ce livre où toute une ame, invisible univers,
Nous apparaît pourtant sous le voile des vers.

Laissons donc place entière au banquet de la gloire,
À tout œuvre, à tout chant, comme à toute mémoire :
La foule peut grossir : l’aliment est divin ;
Or chacun doit avoir large part au festin.

Ce qui me plaît en toi ce sont tes lignes pures,
Tes traits forts, pleins de vie, et tes âpres figures.
Qu’il produise homme, femme, enfant, toujours, partout
Ton génie est sévère et français avant tout.
C’est-là son grand secret, je le crois : libre et triste,
Ton ame se déteint sur tes œuvres d’artiste.

Voilà pourquoi, laissant dormir l’antiquité,
Tu vins chercher ailleurs l’originalité.
Il te fallait courir sur des routes nouvelles,
Pouvoir prendre au besoin des allures rebelles,
Battre des champs percés par de rares sentiers,
Allumer ton génie à de plus chauds foyers.
Les dieux de Phidias cachaient leurs auréoles ;
Tu quittas vieux sujets, vieux noms, vieilles écoles,
Terrain vaste et fécond mais trop longtemps hersé.

Un jour tu regardas vers les jours du passé.
Tu vis au bord des eaux les Nymphes endormies,
Les Satyres lascifs courant sur les prairies,
Hercule aux bras d’airain sous sa peau de lion,
Minerve la guerrière et le bel Apollon,
Neptune de la mer écoutant les murmurés,
Bacchus, le front joyeux et ceint de grappes mûres,
Et Pluton et Vulcain, et Mars et Jupiter,
Les mille déités du ciel et de l’enfer,
Avec un peuple fier de guerriers et de sages,
Par la mort assoupis mais debout sur les âges.

Diane, en robe blanche, sous l’ombre des grands bois
Passait, et sur son dos résonnait le carquois.