Page:Frémine - Statue de Napoléon Ier à Cherbourg, 1859.djvu/9

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Ni juger des détails dans un art qu’il ignore.
Je n’évoquerai pas l’ombre de Canova !
Respect au monument que sa main éleva.
Respect aux morts couchés dans l’oubli, dans la gloire !
Toujours la poésie à la profane histoire
Laissa le triste droit de fouiller le cercueil
Et de jeter au vent les plis saints d’un linceuil.
Point de comparaisons. Je hais les parallèles,
C’est vouloir arrêter de fugitives ailes,
Rappeler le navire emporté par le vent,
Dresser un piédestal sur le désert mouvant.

Chaque homme de génie a rempli sa carrière,
Amant des feux du soir, d’un rayon de lumière,
De l’ombre qui descend sur l’herbe du coteau,
Ou bien, être songeur, la main sur un ciseau,
Épris du corps humain dans sa noble structure,
Étudiant en lui l’œuvre de la nature,
Saisissant chaque trait, aimant chaque contour,
Épiant dans les yeux la colère ou l’amour.
Cherchant un idéal de douleur ou d’ivresse.
Rêvant sur un seul front vertu, malheur, vieillesse,
Exposant en pâture à nos cœurs haletants
Laocoon qui meurt après tous ses enfants,
Apollon à Délos, les traits purs et candides,
Ou Vénus des flots née au chant des Néréides.[1]
Évoquant sous les bois des fantômes d’amours
D’autres s’en vont pensifs, occupés des vieux jours,
Leur ame est une corde à tous les vents vibrante ;
Ils parlent à la mort comme à la nue errante,
Ils ont un chant plaintif pour toutes les douleurs,
Pour toute sainteté des hymnes et des fleurs.

Et le peintre, en mourant, le sculpteur, le poëte
Sont maîtres de leur œuvre ébauchée ou complète ;
Ils ont agi, pensé sous le regard de Dieu ;
Ils sont morts à la tâche, et, leur suprême adieu,

  1. Allusion au groupe antique du Laocoon, à l’Apollon du Belvédère et à la Vénus de Milo.