Page:Frémine - Statue de Napoléon Ier à Cherbourg, 1859.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’Empereur, près des flots dans un rêve acconduit.
Apparaître sévère et chevauchant la nuit !

II.

Mais avant que, du vent caressée ou battue,
La vague murmurât aux pieds de ta statue,
Avant que du colosse, aux demi-dieux pareil,
Le bronze étincelât des feux du grand soleil,
Levéel, combien de fois ta rapide pensée
Renversa-t-elle l’œuvre en ton front commencée,
Sous quels aspects divers, sans pouvoir l’arrêter,
L’Empereur à tes nuits vint-il se présenter,
Vision tout-à-coup par une autre suivie ?
Surtout, combien de fois la pâle jalousie
Qui prend dans ses réseaux les hommes grands et purs,
Comme la vigne prend la pierre des vieux murs,
Jeta-t-elle à ton œuvre une plainte envieuse ?

Le mépris ridait bien ta lèvre sérieuse ;
Sans détourner les yeux, de dédain souriant,
Tu restais au travail, tranquille et confiant.
Mais tu sentais au cœur s’ouvrir une blessure,
La main était plus lourde et la ligne moins pure ;
Ennuis, dégoûts, fatigue arrivaient t’attristant,
Les temps te semblaient durs ; l’homme vil et méchant.
Alors, comme un ormeau qui sous le vent s’incline,
Ta tête lentement tombait sur ta poitrine.
Tu laissais te parler tes pensers assombris,
Les champs de l’avenir se semaient de débris ;
Bientôt, rage et douleur, le doute de toi-même
Du génie à ton front ôtait le diadème ;
Tout semblait te haïr, tout semblait te raillier ;
Un jour livide et faux éclairait l’atelier,
La gloire, comme tous, te voilait son visage.
L’oubli t’enveloppait des brumes d’un nuage :
Et. brisé, dans la foule aux flots tumultueux,
Soudain tu t’enfuyais, et te croyais comme eux !