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Page:Frémont - Les Français dans l'Ouest canadien, 1959.djvu/112

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emplacement définitif, à plus de trois kilomètres au sud de la première fondation. Pareille aventure ne fut pas unique dans l’Ouest. En 1926, au croisement des routes de Sintaluta et de Kendal, une croix de bois était érigée près de l’endroit qui fut le berceau de l’historique colonie. Pour les anciens elle rappelle la fameuse Grande Maison et ses souvenirs inoubliables : tipis des pionniers, première école, première chapelle du premier Montmartre.


Un centre français prospère

Nous nous sommes attardé à ces débuts pittoresques, probablement uniques dans l’Ouest. L’histoire du Montmartre moderne rejoint celle de tant d’autres centres de la Prairie qui ont connu un développement et une prospérité rapides, avec des hauts et des bas, selon la situation générale des affaires et les récoltes plus ou moins abondantes. Son cachet principal tient à coup sûr au caractère d’origine qu’il a su conserver. Dans cette paroisse de 800 habitants, 130 des 135 familles sont de langue française. Presque toutes les entreprises commerciales appartiennent à cette majorité. Les Français et les Belges gardent une place honorable à côté des Canadiens venus de la province de Québec et de la Nouvelle-Angleterre. On y voit une belle église gothique et un couvent des Sœurs de Notre-Dame de la Croix pouvant recevoir une centaine de pensionnaires.

Le premier colon de Montmartre, Auguste de Trémaudan, devenu un patriarche entouré d’enfants, de petits-enfants et d’arrière-petits-enfants, a vécu jusqu’à 98 ans. Quelques descendants des pionniers sont passés en Colombie-Britannique et en Californie, mais les principales familles venues à la fin du siècle dernier y ont toujours des représentants. Le curé fondateur, aujourd’hui Mgr Thériault, P. D., après avoir passé près de cinquante ans à Montmartre, est à la retraite dans son pays natal, à Rimouski.

La naissance de Montmartre avait été signalée au monde extérieur, dès la fin de 1893, par une correspondance au Journal des Débats. L’auteur n’était autre que Foursin, dont le récit s’attachait beaucoup moins à la réalité des faits qu’à la vision idéalisée du projet. Quelque quarante ans plus tard, un Montmartrois rédacteur à L’Intransigeant, André Laphin, apprenait par hasard l’existence du Montmartre de la Saskatchewan. Grâce à la collaboration de l’abbé Thériault, il put reconstituer dans les grandes lignes la curieuse histoire de cette fondation. Le journal parisien consacra près de deux colonnes au Montmartre canadien, sous la manchette : « Ils en ont un en Amérique : Montmartre, fils de Montmartre ! » Dommage que Pierre Foursin ne fût plus là — il était mort en 1917 — pour déguster ce beau reportage ! Mais ses anciens jeunes associés encore vivants en retirèrent, sans nul doute, une grande et légitime fierté.[1]

  1. Nous devons à l’obligeance de M. Louis-Philippe Côté la communication d’un historique dactylographié de Montmartre par le R. P. Roméo Bédard, O.M.I., aujourd’hui rédacteur adjoint à La Liberté et le Patriote, de Winnipeg, d’après les souvenirs de M. Désiré de Trémaudan, de sa sœur, Mme Aline Écarnot, et les écrits de leur vieux père, feu Auguste de Trémaudan.