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d’Amérique. La France officielle a depuis longtemps reconnu l’excellent travail de l’un de ses fils au Canada en lui décernant la croix de la Légion d’honneur.


Une lignée remarquable

La famille Denis ne comprenait que sept membres adultes en 1904. Elle compte aujourd’hui environ deux cent cinquante descendants. Le plus jeune des fils, Clodomir, épousa Justa Haudegand, du Nord, et décéda en 1911, laissant deux enfants, Clodomir et Rose. La veuve se remaria, quelques années plus tard, avec le frère de Clodomir, Clotaire, dont elle eut cinq fils et quatre filles. Tous sont mariés, excellents fermiers et sincères patriotes. Deux d’entre eux, faute de terrain à Saint-Denis, sont allés s’installer l’un à Vonda et l’autre à Domrémy.

Trois des fils de Clotaire ont épousé trois sœurs Haunyet et l’une de ses filles est mariée avec un fils Haunyet.

Les époux Clotaire Denis ont actuellement soixante-quatorze petits-enfants et six arrière-petits-enfants, en attendant les autres…

Raymond Denis a eu, de son mariage avec Jeanne Hubert, dix enfants dont huit sont vivants. Il est maintenant le grand-père de vingt-trois petits-enfants. Là aussi, la liste n’est pas close.

L’une de ses sœurs, Marie Denis, mariée avec Jules Haudegand, le frère de Justa, a eu huit enfants, quatre fils et quatre filles. L’une est religieuse ; six des autres sont mariés et le nombre des petits-enfants est à la hauteur de la tradition familiale

La plus jeune des sœurs, Maria, a épousé un Canadien français des Cantons de l’Est, devenu l’un des très bons cultivateurs de sa région.

Léon Denis, le père, s’était remarié en deuxièmes noces avant de quitter la France. Il eut ainsi au Canada cinq fils et deux filles. L’un des premiers, Léon, installé à Saint-Denis, possède plus de 2,000 acres de terre ; un autre s’est acheté une ferme à Vonda où il se distingue parmi les meilleurs de ses confrères ; les deux derniers, Louis et Roger, habitent Léoville, dans le nord de la province.

Pas le moindre danger d’anglicisation avec les Denis ! Chez tous, la langue apportée de France est en honneur dans les foyers. La famille a versé près de $6,000 pour l’érection du poste de radio français à Saskatoon. L’exemple fait tache d’huile : Saint-Denis et Vonda sont les centres les plus généreux de tout le nord de la Saskatchewan aux souscriptions nationales.

C’est l’abbé Bourdel, curé de Prud’homme, qui assura le service religieux à la petite mission de Saint-Denis avant que celle-ci ne fût érigée en paroisse. Plus tard, l’abbé Clovis Mollier, de Vinezac (Ardèche), la dirigea pendant de longues années.

Lorsque Raymond Denis quitta Vonda, lieu de sa résidence, pour Montréal, on crut bon d’y laisser les secrétariats de l’A.C.F.C. et de l’A.I. qui s’y trouvaient installés. Le titulaire en est depuis très longtemps Antonio de Margerie, fils de l’universitaire lillois émigré au Manitoba au siècle dernier. Ses enfants se sont signalés par de brillants succès scolaires. Une autre famille qui fait le plus grand honneur à son pays d’origine.

Ne quittons pas la région sans mentionner la famille Julé, venue en 1905 de Malguénac (Morbihan), dont le chef, Louis Julé, âgé de quatre-vingt-quinze ans, vit à Paterson, entouré de nombreux descendants.


Une colonie de peine et de misère : Saint-Front

Au nord des deux lacs La Plume (Quill Lakes), à 117 milles à l’est de Saskatoon, Périgord et Saint-Front, deux centres franco-canadiens, ont des origines qui se confondent et se ressemblent par plus d’un côté. Le terrain, légèrement accidenté et parsemé de petits lacs, était peu accessible il y a quarante ans, par des chemins que l’on pouvait qualifier de casse-cou.

Saint-Front doit son nom à celui qui en fut le chef virtuel, Florian Montés, né à Saint-Front (Haute-Loire) en 1856. Ce fils d’Auvergne était cousin d’Augustin Bosc, fixé à Notre-Dame-de-Lourdes, qui l’avait attiré au Canada. Il s’était essayé d’abord à Saint-Claude, puis à Haywood, avant d’arrêter son choix définitif sur Saint-Front. Le premier à y prendre pied, en 1910, fut un Belge, Émile Gillard, de Howell (Prud’homme), gendre de Montés. Celui-ci vint l’année suivante avec son fils, Jean, et un autre gendre, François Dubreuil. Saint-Claude et Haywood fournirent encore Jean-Pierre Picton, Louis Noël, Ludovic Le Strat, Joseph Basset, puis le Parisien Eugène Hurion. Le Breton Le Strat, au Canada depuis 1907, avait travaillé comme terrassier à la voie ferrée et comme ouvrier de ferme à Notre-Dame-de-Lourdes. C’était un homme dans toute la force de l’âge, père de sept enfants. Il vint avec le « vieux Basset » et se réserva 640 acres de terre.

En 1912, une bourrasque épouvantable dévasta la région, ne laissant debout que les chênes solidement enracinés. Suivirent des pluies diluviennes qui détrempèrent le sol si profondément qu’il ne put s’assécher qu’au bout d’une année. Plusieurs colons, découragés, firent demi-tour jusqu’à Saint-Claude ou ailleurs. Tout est pour ainsi dire à recommencer ; mais la jeune colonie semble devoir se redresser en raison même des obstacles accumulés. À ce moment critique, Montés réussit à bâtir une modeste chapelle en troncs d’arbres où la première messe est célébrée en 1913.

En dépit de tout, les défricheurs auront le dessus, car la terre est excellente et facile à travailler. Les hautes herbes, les pois sauvages et le « jargeau » poussent en abondance. On trouve l’eau à dix ou douze pieds et une nappe souterraine à peu de profondeur. Jules Sauvageot, de Belfort, quitte Wauchope pour venir