Page:Frémont - Les Français dans l'Ouest canadien, 1959.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

perdit son lorgnon. Des coups de fusil et des cris se firent entendre du haut de la colline. Le missionnaire s’empressa d’y répondre et une brève conversation s’engagea. Deux hommes descendirent vers les voyageurs égarés et les accompagnèrent jusqu’à l’habitation la plus proche. Grandes exclamations de surprise et de joie des habitants — trois jeunes colons français — qui, réveillés à onze heures passées, se trouvèrent en présence de leur ami, le P. Bazin, et de deux religieuses compatriotes ! Un repas chaud et un bon lit firent oublier les fatigues et les angoisses de la soirée.

Le lendemain matin, pendant que le prêtre et les jeunes gens allaient délivrer le cutter sur la rivière, Mère supérieure et sa compagne préparèrent le dîner. Le rôti qu’elles servirent à leurs hôtes est demeuré légendaire dans ce coin de l’Alberta. Jamais on n’en avait dégusté de pareillement cuit à point dans la maison des trois célibataires. Le jour suivant, qui était un dimanche, les voyageuses, aguerries par leurs exploits de l’avant-veille, firent huit milles en traîneau pour assister à la messe dans une école perdue en pleine prairie. Une trentaine d’hommes étaient venus d’un rayon de dix à douze milles. Pas une seule femme en dehors des religieuses, à cause du froid exceptionnel de quarante degrés au-dessous de zéro !

La suite du voyage à Edmonton et à Végreville fut sans incident.

Dans la petite communauté des Sœurs de la Charité de Notre-Dame d’Evron, à Trochu, on redemanda souvent le récit de cette aventure périlleuse qui, par bonheur, tourna bien.[1]

  1. Jean Lionnet, Chez les Français du Canada.

    Louis-Frédéric Rouquette, L’Épopée blanche, Paris, 1926.

    Grégoire Le Clech, Sur la piste des émigrants bretons en Amérique.

    La Canadienne, Paris, 1910, p. 656.

    Récit d’une religieuse de Notre-Dame d’Evron, de Trochu.

    Le Réveil Savoyard, Annecy, mars 1958, articles du Chanoine Dechavassine.