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Chapitre IX


Autour de Sainte-Rose-du-Lac : Toutes-Aides, Laurier, Sainte-Amélie, McCreary — L’abbé Maurice Pierquin et quelques colons français de Laurier — Un curieux roman qui fut écrit à Sainte-Rose — La guerre de 1914-1918 et la disparition de l’élément aristocratique — Une mère franco-canadienne qui eut neuf enfants sous les drapeaux, dont trois tombés au champ d’honneur — Un fils de Français à l’Assemblée Législative du Manitoba


Autour de Sainte-Rose-du-Lac : Toutes-Aides, Laurier, Sainte-Amélie, McCreary

La colonisation française s’est étendue à une vaste région autour de Sainte-Rose-du-Lac. Dans les centres de Toutes-Aides, au nord, de Laurier, Sainte-Amélie, Makinak et McCreary, au sud, on trouve un bon nombre de familles d’agriculteurs qui se rattachent au même courant d’émigration.

Lors d’une visite à Nantes en 1904, Mgr Langevin reçut d’une dame charitable un don de $500, pour contribuer à l’érection d’une paroisse sous le vocable de Notre-Dame-de-Toutes-Aides, pieux et antique sanctuaire dans la banlieue nantaise. L’abbé Janichewski[1], du diocèse de Blois, — une recrue du P. Lecoq — fut chargé de cette fondation, à l’extrémité septentrionale du lac Manitoba. Le Vendéen Camille Teillet, qui s’y intéressait, vint de Sainte-Agathe visiter les lieux. Le seul établissement était celui de Jean Bretécher, de Vigneux (Loire-Atlantique), avec ses quatre fils : Jean, Alexandre, Pierre et Martin. Arrivés au pays en 1893, ils s’étaient d’abord fixés à McCreary. En compagnie d’Alexandre, Teillet parcourut les environs. Dans un site enchanteur, à la pointe d’une baie profonde du lac, coulait un ruisseau où le brochet se laissait pêcher « à la fourche ». Cet endroit, qui était assez élevé, parut le plus avantageux comme centre de ralliement accessible à tous. Le terrain appartenait à Martin Bretécher, qui en fit don pour l’érection de la future église.

L’abbé Janichewski se mit bravement à l’œuvre et transforma lui-même une misérable maison en presbytère-chapelle. Il y reçut chaque dimanche une vingtaine de fidèles, prémices de la nouvelle paroisse qui prit le nom de Notre-Dame-de-Toutes-Aides. Les Cloches de Saint-Boniface écrivaient à ce propos : « Et l’on ne peut voir que le doigt de Dieu dans ce fait qu’après cent soixante-dix ans, les Français du XXe siècle viennent reprendre possession de ce pays découvert en 1736 par un grand Français, l’immortel Pierre Gaultier de Varennes de La Vérendrye, qui baptisa lui-même ce lac du nom du dauphin de France. » (Toutes-Aides se trouve sur le lac Manitoba, et non sur le lac Dauphin, tout proche ; mais l’allusion au grand découvreur français n’en garde pas moins toute sa valeur.)

Le curé fondateur dut bientôt retourner dans sa patrie, pour refaire sa santé compromise par ce travail au-dessus de ses forces. Par la suite, il devint professeur, puis préfet au Collège de Vaugirard, à Paris. Mais le départ était pris et allait garder son élan. Autour du noyau solide des Bretécher, d’autres colons français vinrent s’établir : Augustin Pineau, de la Vendée ; Fouillen, du Morbihan ; Yves Nédellec, du Finistère, qui sera tué à la guerre de 1939 ; Mathurin Philippot, autre Breton venu de Notre-Dame-de-Lourdes ; Guichard, de l’Auvergne ; Robert Joberty, qui séjourna là quelque temps avant de passer à Saint-Claude : un Breton encore, Pierre Moison.

Toutes-Aides fut donc, pendant quelques années, florissante. Le voisinage des lacs et les riches herbages exerçaient une attraction visible sur les nouveaux venus. Mais le chemin de fer ne daigna pas atteindre ce point extrême du Nord, et ce fut l’arrêt de l’essor vers l’expansion promise. Michalat et quelques autres vinrent cependant encore s’y fixer. L’un des fils Bretécher, Pierre, est toujours là. Son frère, Jean, est mort en 1955, à l’âge de 86 ans, laissant trois fils et trois filles. Augustin Pineau, décédé l’année précédente, à l’âge de 80 ans, laissait cinq fils et cinq filles.


L’abbé Maurice Pierquin et quelques colons français de Laurier

À quelque douze milles au sud de Sainte-Rose-du-Lac, Laurier fut aussi, au tournant du siècle, un centre dont la majorité se composait de colons venus de France. Il perdit peu à peu ce caractère pour la raison que trop de ces Français, dépourvus de toute aptitude agricole, se virent contraints de retourner dans leur pays.

À l’entrée du village, on retrouvait l’ancien curé, l’abbé Maurice Pierquin, qui s’est éteint hélas ! Il était un enfant de Reims établi au Canada depuis cinquante ans. Lors d’un pèlerinage en Terre Sainte, il fit la rencontre de Mgr Langevin, qui le détourna de l’étude de la médecine, qu’il avait commencée, pour se préparer à devenir prêtre dans son diocèse. Ordonné dans l’église de Sainte-Rose en 1906, il fut successivement curé à Saint-Daniel, à Haywood comme fondateur de la paroisse, à Grande-Clairière, puis à Laurier — à ce dernier endroit durant vingt-six ans.

L’abbé Pierquin esquissait à grands traits les durs commencements de cette paroisse, tels qu’il les avait recueillis de la bouche des an-

  1. Erratum : Remplacer la notice sur l’abbé Janichewski par celle qui se trouve en appendice A