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et manquant de fonds pour s’y lancer, l’idée lui vint d’aller faire fortune au Canada, se proposant de revenir alors travailler à la régénération de son pays. Mais en se vouant tout entier à sa noble profession, la médecine a décidément pris le dessus sur les rêves politiques. Mort en 1957, à 85 ans, il ne pratiquait plus depuis 1948.

Une famille digne de mention est celle de Gustave Ragot, décédé en 1954, à 85 ans. Né à Saint-Maurice-le-Girard (Vendée), il vint à Lourdes en 1893 et épousa quelques années plus tard Stéphanie Fradin, dont les parents étaient aussi des pionniers de la même date. Le ménage Ragot eut vingt enfants, dont dix-neuf sont vivants et presque tous au Manitoba.


Le marquis de la Roche-Aymon, musicien accompli

Un autre Lourdois d’un type très différent, le marquis de la Roche-Aymon, nous rappelle l’époque lointaine de Charlemagne, puisque la famille descend des légendaires quatre fils Aymon. Il ne se distingua guère comme agriculteur et sa terre demeura parfaitement vierge. En revanche, c’était un maître incomparable de l’orgue et du piano, qui déchiffrait toute composition à première vue et dont la science musicale semblait ne pas connaître de bornes. Mais dans les choses ordinaires de la vie courante, c’était ni plus ni moins qu’un enfant. Son jeu favori consistait à jeter des pièces de monnaie aux gamins qui s’attachaient à ses pas et appréciaient beaucoup ses largesses de grand seigneur.

Ce demi-fou avait cependant des lueurs de bon sens pendant lesquelles il pouvait souffrir comme le commun des hommes. Dans une heure de solitude exaspérée, il épousa Élisabeth Macaire, autre simple d’esprit, boiteuse et peu soignée de sa personne, qui ne pouvait rien pour améliorer le sort de son époux. À la mort du musicien, survenue dans la trentaine, le P. Chalumeau, qui avait succédé comme curé à dom Benoît, reçut de la sœur du défunt l’ordre de voir au rapatriement immédiat de la marquise en France. Le tuteur se permit quelques observations, laissant entrevoir, avec toute la délicatesse possible, que la veuve pourrait être une gêne pour la famille. On lui répondit par une bordée d’injures et il dut s’exécuter. Cependant, peu après, la pauvre marquise était renvoyée à son point de départ, avec accompagnement d’une nouvelle lettre d’insultes. Cette institution bienfaisante de la tutelle n’était pas de tout repos, parfois, pour le tuteur…