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cien, firent la guerre ; après quoi tous rentrèrent en France. Cependant le plus jeune des fils, Jean, revenu à Saint-Boniface avec sa femme qu’il avait épousée là-bas, a été longtemps greffier à la Cour de cette ville. Ils ont un fils, Richard, violoniste.

Encore dans le monde de l’immeuble, à la même époque d’avant-guerre, Henri de Rochebouet, violoncelliste à ses heures ; Henri Brunache, un philanthrope qui tient un bureau de placement gratuit pour ses compatriotes ; Fernand de Grammont, de l’Arriège, qui, après avoir été plusieurs années à l’emploi de M. de la Giclais, a ouvert son propre bureau ; Charles Bacucz, qui fait du journalisme à ses temps de loisirs ; René Deschandon et quelques autres. Le Bordelais de Lioncourt, ancien officier de dragons, est dans l’assurance.

Antoine Griveau, venu de Lyon en 1904, fut secrétaire de la Winnipeg Trustee et de la Compagnie Foncière du Manitoba depuis 1910 jusqu’à sa mort, après la seconde Grande Guerre. Son frère cadet Louis, arrivé seul à l’âge de 17 ans, l’avait devancé au Canada. Les parents, beaux types de Français honnêtes et travailleurs, vinrent ensuite. Louis fut tué au front, mais Antoine revint indemne de la campagne des Balkans. Mme Léon Griveau, ancienne couturière à Lyon, avait le goût des belles choses. Elle possédait une magnifique collection d’objets anciens et de vieux originaux. On pouvait admirer chez elle une esquisse à l’aquarelle de Nicolas Poussin qu’elle avait achetée à Lyon. De vieilles estampes, gravures, lithographies, pêle-mêle dans une « maie » dauphinoise authentique. Aux murs, des faïences, des porcelaines, des plats d’étain. C’était un enchantement de voir tout cela et de contempler ces beaux meubles sortis des mains d’artisans de province, en France, il y avait bien longtemps… Antoine Griveau épousa Hélène Magne, fille de parents français établis à Notre-Dame-de-Lourdes. Pendant la dernière guerre, elle fut secrétaire de l’Œuvre de secours à la France. Un autre Lyonnais, camarade des jeunes Griveau, Louis Perroud, mourut d’un accident de travail en tombant du toit d’un wagon. Il était ébéniste pour le Pacifique Canadien.

À la même compagnie de chemin de fer, le capitaine Frédéric Gauthier, agent consulaire de France, occupe une haute position administrative, après avoir été secrétaire du lieutenant-gouverneur Letellier de Saint-Just dont il a épousé la fille, à Québec. Il est décédé en 1919, à l’âge de 65 ans. Joseph-Gaston Legrand, né à Sampins (Marne), est ingénieur des ponts à la même compagnie. Après la mort de sa femme, sa fille est entrée chez les Filles de la Croix-de-Saint-André. Un autre ingénieur, Gabriel Mullon, qui a épousé Virginie Bouchet, est au service de la ville de Saint-Boniface. Officier d’infanterie, il sera tué à Salonique en 1916. L’ancien instituteur Henri de Moissac, de Saint Norbert, sera secrétaire-trésorier de la municipalité de Saint-Boniface. E.-A. Poulain, des îles Saint-Pierre et Miquelon, lui succédera, après avoir occupé la même position dans la banlieue, à Saint-Vital.

Les établissements d’abattoirs et de salaisons Burns eurent quelque temps pour gérant Philippe de la Giroday, dont la famille habite maintenant Vancouver.

La fabrication du macaroni a été implantée à Saint-Boniface par Henri Constant, de Marseille, qui avait fait ses débuts à Montréal. Le père et les enfants sont toujours sur les lieux. Les Marius, de Nice, sont aussi depuis longtemps dans les pâtes alimentaires.


Cuisiniers et restaurateurs

Les cuisiniers et restaurateurs français ont été pendant quelque temps très en évidence à Winnipeg. Hélas ! la guerre de 1914 leur a porté un coup fatal. Pour l’ouverture de l’Hôtel Fort-Garry, des Chemins de fer nationaux, on avait fait venir le chef d’un des plus célèbres restaurants parisiens. Au Royal-Alexandra, du Pacifique Canadien il y avait Yves Le Goff, du Vieux-Marché (Côtes-du-Nord). Sa femme était Louise Posny, de Broons (Ille-et-Vilaine). Leurs trois enfants naquirent à Saint-Boniface et le fils unique, Raymond, fut tué sur le champ de bataille en 1940. Après le retour d’Yves Le Goff du front, en 1918, la famille était allée s’établir à Montréal et, peu avant la dernière guerre, à Trigostel (Côtes-du-Nord). Dans les cuisines de la Compagnie de la Baie d’Hudson trônait Castella, dont la femme, née Civel, était Nantaise. Pour tous les Français, Castella était « le Chef » tout court. Depuis sa mort, la famille habite la Californie, à l’exception de l’une des filles, Mme Sainte-Marie, demeurée à Winnipeg. Le Corse Mariaggy tenait aussi, rue McDermot, un restaurant fameux. Le maître d’hôtel, Lucien Beaubien, en prêtant une oreille attentive aux conversations des clients versés dans la politique, préparait patiemment sa longue carrière de député et de sénateur. Un chef très sympathique, longtemps employé au Fort-Garry, fut Louis Guillaume, de Ruffiac (Morbihan), décédé à Saint-Vital en 1956. Sa femme était née Marie Dréneau.

On mangeait très bien chez Maxime, rue Garry, tout près de l’avenue du Portage. Maxime venait de Savoie, après un stage à New-York. L’établissement, bien que très achalandé, disparut au bout de deux ou trois ans. Son propriétaire retourna tenter de nouveau sa chance à New-York et réussit cette fois. L’atmosphère chez Maxime avait un cachet tout particulier. Entre autres singularités, les propos plus que vifs entre le patron et son chef, à travers le guichet où passaient les plats, faisaient les délices des clients.

Les Mesnage, de Saint-Méen (Ille-et-Vilaine), qui avaient tenu maison de pension à Saint-Boniface, eurent plus tard à Winnipeg, rue Lombard, en face du Grain Exchange, un restaurant qui attirait les Français de la ville et de la campagne. On pouvait y voir presque