Page:Frémont - Les Français dans l'Ouest canadien, 1959.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

face ne sera plus tout à fait ce qu’il a été et ce qu’il aurait pu être, sans cette catastrophe qui, non contente d’anéantir tant de vies pleines de promesses, rendait impossibles combien de foyers nouveaux sur lesquels on était en droit de compter ! En revanche, ceux qui reviennent se sentent plus français et en même temps plus canadiens, après s’être battus pour leurs deux patries. Pendant ces dures épreuves supportées en commun, la fusion entre les deux branches de la grande famille française semble avoir brûlé les étapes et la collaboration sera plus intime que jamais dans tous les domaines.


Un rescapé de la tourmente : le « boy doré » du Palais législatif de Winnipeg

Un dernier écho d’après guerre. Le nouveau Palais législatif de Winnipeg, à la structure imposante, ouvrit ses portes, et l’on put y admirer, montant la garde au pied de l’escalier principal, deux énormes bisons de bronze grandeur naturelle, symboles du Manitoba, œuvre du sculpteur français Georges Gardet. Sur la pointe du dôme de l’édifice se tenait en équilibre le fameux « boy doré », personnifiant l’éternelle Jeunesse, l’Esprit d’entreprise. Face au Nord, il serre sous son bras gauche une gerbe de blé mûr, et de l’autre il brandit une torche.

Un vrai rescapé de la grande tourmente, ce jeune coureur ailé ! La fonderie où il venait d’être coulé quelque part en France fut détruite de fond en comble par un bombardement. Seule la statue de bronze se trouva, par miracle, épargnée. On la dirigea en toute hâte vers un port de mer, où elle prit place dans la cale d’un navire à destination du Canada. Mais le vaisseau fut alors réquisitionné pour le transport de troupes américaines. Pendant deux années il sillonna les mers infestées de sous-marins, l’Esprit d’entreprise oublié dans son flanc, peut-être lui servant de bouclier… La guerre finie, sortant de sa cachette, il put enfin reprendre la route de Winnipeg.

En levant les yeux vers cette figure symbolique dominant la métropole de l’Ouest, comment tous les Canadiens qui se souviennent ne se sentiraient-ils pas le cœur gonflé d’espoir dans les destinées de leur pays ?…[1]

  1. C’est encore à Mme Pauline Boutal et à sa mère, Mme Le Goff, que je dois la plus grande partie des détails sur tant d’anciens de Saint-Boniface et de Winnipeg. Ont aussi contribué à cette documentation : MM. de la Giclais, Claude Buffet, Joseph Vermander, Hector Bergevin, Pierre Chabalier, Georges Taburet et Henri Létourneau.