Aller au contenu

Page:Fréron - L Année littéraire 1775.djvu/11

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nation où tout eſt entraîné par l’enthouſiaſme, lui ſeul, dans ſa marche tranquille, eſt conſtamment guidé par la raiſon. Sur un théâtre où l’on ſe diſpute les regards, où l’on brigue à l’envi la place la plus brillante, il attend qu’on l’appelle à la ſienne, & la remplit en ſilence, ſans ſonger à être regardé. Quand l’idolâtrie vraie ou affectée qu’inſpire le Monarque, eſt le principe de tous les efforts, eſt dans tous les cœurs ou dans toutes les bouches, il ne s’occupe que de la Patrie, n’agit que pour elle, & n’en parle pas. Autour de lui tout ſacrifie plus ou moins à l’opinion, à la mode, à la Cour ; il ne connoît que le devoir, le bien public & ſa propre eſtime. Autour de lui le bruit, l’oſtentation, l’eſprit de rivalité ſemblent inſéparables de la gloire qu’on obtient ou qu’on prétend, & ſe mêlent à toute eſpèce d’héroïſme ; ſeul il ſemble éteindre ſa gloire, étouffer ſa renommée, & ne diſſimule rien tant que ſes ſuccès & ſes avantages, ſi ce n’eſt les fautes