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Page:Fréron - L Année littéraire 1775.djvu/12

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L’ANNÉE LITTÉRAIRE.

d’autrui. Tous les hommes illuſtres de ſon temps ſont marqués par la nature d’un ſigne particulier & caractériſtique qui annonce d’abord le talent dont elle les a doués ; il ſemble indifféremment né pour tous, & ſuivant le témoignage remarquable qu’un de ſes ennemis#1 lui rendoit devant leur Maître commun, on peut également faire de lui un Général, un Miniſtre, un Ambaſſadeur, un Chancelier : & en effet il paroît en réunir les qualités, ſans en exercer les fonctions. Enfin (& c’eſt ce qui le diſtingue plus que tout le reſte) parmi tant d’hommes rares qui offroient à la grandeur de leur Monarque le tribut de leurs talens, aucun n’eſt exempt de préjugé ni de foibleſſe ; ces grandes âmes ſont égarées par de grandes paſſions, ou dominées par les erreurs du vul-[1]

  1. Louis XIV vouloit faire M. de Catinat Major des Gardes. Le Duc de la Feuillade, Colonel de ce Régiment, n’aimoit pas Catinat ; il dit au Roi : Sire, vous pouvez faire de lui un Chancelier, un Miniſtre, un Ambaſſadeur, un Général d’armée, mais non pas un Major des Gardes. Voyez la Vie de Catinat.