Page:Fraigneau - Rouen Bizarre.djvu/100

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l’on retrouve sur tous les tableaux de l’école ancienne.

Il eût inspiré un peintre comme il inspira des poètes.

Les uns trouvaient qu’il paraissait plongé dans une méditation profonde, comme un de ces philosophes indiens qui fait résider le suprême bonheur dans la suprême béatitude ; d’autres admettaient qu’il ne pensait plus et le considéraient comme une statue ; tous étaient frappés du contraste que produisait cette belle tête grave en face de ces visages sourians d’enfans.

Tout ce que l’on savait, c’est que cet homme, qui depuis trente ans « travaillait » à 4 francs par jour, avait remporté jadis un premier prix au conservatoire.

On pouvait du reste se convaincre assez facilement de son talent.

Comme il n’avait pas le droit d’exécuter les airs connus dans son théâtre, sans payer des droits d’auteur, il jouait des morceaux de sa composition, tristes comme lui et remplis d’une mélodie étrange.

Qui sait si ce n’était pas cette remarque que Bouilhet a traduite en vers mélancoliques :

Il fallait chanter, il fallait poursuivre,
Pour le pain du jour, la pipe du soir,
Pour le dur grabat dans le grenier noir,
Pour l’ambition d’être homme et de vivre.