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Page:Fraigneau - Rouen Bizarre.djvu/124

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comme à force de présenter cet « effet » ils en sont arrivés à le laisser prévoir d’avance à tous ceux qui ont l’habitude de les entendre.

Qu’un meurtrier comparaisse devant ses juges, et neuf fois sur dix vous arriverez à cet argument : ou le prévenu est un ivrogne, et alors l’ivresse devient une excuse ; ou il est très-sobre, et alors un moment d’égarement ne doit pas être payé par un châtiment de toute la vie.

Qu’un voleur comparaisse : ou il est jeune ou il est vieux. S’il est jeune, ce sont les bons conseils de la famille qui lui ont fait défaut ; ce sont les passions juvéniles trop puissantes ; c’est le service militaire qui refera de ce déclassé un excellent citoyen.

S’il est vieux, on montre cette existence a moitié terminée ; cette famille dont on va faire le désespoir ; ce passé, qui laisse quelquefois à désirer, mais dont les fautes sont toujours des peccadilles.

Qu’une fille soit accusée d’infanticide : ou elle avoue ou elle n’avoue pas. Si elle avoue, c’est son déshonneur qu’elle a voulu cacher aux yeux de tous ; si elle n’avoue pas, c’est la folie, c’est la fièvre, qui se manifestent parfois aux premiers symptômes de la maternité.

Et tour à tour, toutes les passions humaines qui ont été causes du mal reproché se trou-