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malgré la meilleure surveillance, à glisser quelques lignes de leur prose dans les livres des autres. On trouve parfois de la sorte des appréciations amusantes, des exclamations admirables, des cris de colère, des malédictions, quoiqu’on ne puisse comparer en général le public des bibliothèques aux genus irritabile dont parle le poète latin.

Est-il assez répandu, aussi, le « client » qui, sous prétexte de s’instruire en lisant, vient faire sa correspondance qui demande un livre, déplie à côté une feuille de papier et trace des missives de la longueur d’un poème, sans retourner une seule fois le feuillet du volume sous la sauvegarde duquel il s’est placé ? Tantôt, c’est le poète incompris et pauvre qui vient réchauffer ses inspirations au calorifère municipal ; tantôt, c’est le potache amoureux qui copie, dans quelque volume bien ignoré, un sonnet charge d’enflammer le cœur de quelque caissière infidèle de brasserie ou celui de la jeune cousine traditionnelle.

Ils connaissent bien, du reste, l’escalier de la bibliothèque, les jeunes collégiens de Rouen ; c’est la que se trouvent le plus facilement les traductions de versions latines ou grecques et, faut-il le dire ? c’est là également qu’ils jettent les yeux sur quelque livre dé-