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Page:Fraigneau - Rouen Bizarre.djvu/240

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dans la gent canine ; il semble que les fuyards apprennent la nouvelle à leurs semblables qu’ils rencontrent sur le chemin. On voit de tous les côtés, rasant les murs, disparaissant dans les ruelles sombres, les bêtes de toutes races, de tout poil, de toute taille, et, derrière eux, à leurs trousses, le commissionnaire suivi par son sergent de ville dont le sabre bat les jambes et qui doit faire de singulières réflexions sur le métier de son compagnon.

Après cette promenade excentrique qui a duré deux ou trois heures, les chasseurs reviennent au poste. Là, on leur délivre un reçu et ils vont remettre leur proie entre les mains de l’exécuteur des hautes œuvres… canines, un équarrisseur qui s’appelle Haitte.

La fourrière se trouve très-loin, dans la rue du Trou-d’Enfer, auprès d’un cimetière. Les vagabonds à quatre pattes sont attachés dans un chantier en attendant que leur sort se décide. Ils ne sont pas malheureux, d’ailleurs ; pour beaucoup même, les derniers jours qu’ils passent en cet endroit doivent leur paraître les meilleurs de leur existence. Ils sont bien nourris ; on leur donne du pain, de la soupe, de la viande de cheval. On pense involontairement à ces condamnés auxquels on n’ose rien refuser à leurs derniers momens et dont tous les désirs sont satisfaits.