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Une blouse déchirée, des mains noires, un brûle-gueule, une vieille casquette couverte de taches de boue et de vin suffisent pour s’introduire partout sans éveiller de soupçons.

L’idéal est de posséder un pantalon de soldat acheté chez quelque revendeur, un veston anglais, jadis jaune, abandonné par quelque capitaine de bateau étranger. Celui qui, en outre, fera tenir ce pantalon avec des ficelles sera reçu comme un frère dans tous les assommoirs où il se présentera.

Le percement des nouvelles voies, la destruction des anciens quartiers ont porté un coup mortel à tous ces petits industriels chez lesquels les sous gagnés dans la journée venaient s’entasser le soir, en échange d’un certain nombre de petits verres. La pioche des démolisseurs a fait une trouée de lumière dans le centre obscur de ce vieux quartier Martainville à la fois si pittoresque et si hideux où l’on voyait grouiller pêle-mêle, des hommes, des femmes et des enfans vivant en cette espèce de cour des miracles sans presque jamais en sortir.

Seulement, comme malgré les travaux de voirie, il faut boire tout de même et comme on ne boit avec plaisir que lorsqu’on se trouve avec des semblables, les « soleils » se sont