Il semble que ces gens-là ne doivent pas dormir et qu’ils ne se débarbouillent que lorsque, à la suite d’un faux pas, ils tombent à la Seine d’où ils sont d’ailleurs retirés sains et saufs par le « directeur » de la morgue, qui s’est créé cette noble spécialité de sauvetage.
Et pourtant, ces hommes ont parfois un domicile, une femme, des enfants ; d’autres couchent chez les logeurs qu’ils payent bien. N’allez-pas, surtout, les appeler « soleils, » ils seraient profondément froissés dans leur amour-propre. Le « soleil » est celui qui ne fait rien et qui vit en vagabond sur les quais ; le « soleil » est le parasite des rives de la Seine à Rouen, comme les moustiques sont les parasites des rives de certains fleuves d’Amérique.
Eux, les « chevaliers de la carue, » comme ils s’intitulent assez modestement, ils travaillent. Besogne faite au jour le jour, il est vrai, et qui permet, lorsque la recette a été grasse, de « lazzaroner » le lendemain, mais besogne honnête, dure, qui ensanglante souvent les mains, brise parfois une épaule ou une échine, bronze toujours le visage exposé aux poussières noires de la cale ou aux rayons du soleil.
Ils ont une sorte de quartier général près