Page:Fraigneau - Rouen Bizarre.djvu/39

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des quais ; les ivrognes, les paresseux, ceux qui, pour employer leur langage image, ont « un poil dans la main, » vont rechercher la mauvaise société qui se plait à fréquenter la rue des Arpents ou du Pont-de-l’Arquet.

Les autres s’éloignent peu du théâtre de leurs travaux.

Promenez-vous le soir, vers onze heures, dans tout ce quartier compris entre le boulevard de la Madeleine, l’extrémité de la rue des Charrettes et le dédale des petites rues qui serpentent autour de la douane. Vous entendrez sortir de certains cafés, dont la clientèle est spéciale, des mots étranges, une sorte de patois universel qui rendrait jaloux l’inventeur de la langue volapükite. À force de débarquer des navires anglais, italiens, espagnols, suédois, norvégiens, vénézuéliens même, ces « chevaliers de la carue » en sont arrivés à pouvoir causer avec les marins du monde entier ; et si quelquefois, comme argument principal, il y a un nez défoncé ou un œil poché, en général le rire et la gaîté dominent ; tous les consommateurs se comprennent et sympathisent, et c’est à qui offrira, de l’air le plus gracieux, aux caissières avenantes de l’établissement, le cassis à l’eau de rigueur, ou le kirsch fait avec les noyaux de toutes sortes ramassés dans la forêt Verte.