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Page:Fraigneau - Rouen Bizarre.djvu/72

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temps une noix sur le crâne, quelquefois insuffisamment garanti, d’un spectateur de l’orchestre.

Et si, par une belle soirée, au sortir d’une représentation à succès, quelque noctambule se hasarde sur les quais, il entend sortir de derrière les fûts et les sacs de grains nouvellement débarqués, des voix chevrotantes qui exécutent le grand air de Charles VI, le duo de Faust, un motif de Rigoletto. Quant à la Favorite, elle triomphe sur toute la ligne ; sa popularité grandit d’autant plus qu’elle est espagnole.

Le malheureux « soleil » qui se niche la nuit dans un tonneau vide s’endort en chantant :

Dans ce palais, règnent pour te séduire
Tous les plaisirs, tu marches sur les fleurs.

Il y a parfois accompagnement de violon lorsque passe un sergent de ville qui, par hasard, n’est pas sourd.

Le « grillon de nuit » rouennais a, du reste, le respect du libretto. Si un artiste change un mot, il le siffle et il mépriserait profondément, en le traitant de Philistin, le gavroche parisien, Gugusse ou Toto, qui ne connaît l’opéra que par sa parodie :

Ô mon Fernand, tous les biens de la terre
Ne valent pas un civet de lapin
Mangé le soir, à l’ombre d’un sapin
Chez un petit marchand de vin d’Asnières.