Page:Fraigneau - Rouen Bizarre.djvu/75

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teuses assises sur des chaises placées au milieu d’une petite estrade élevée de deux marches. A côté, l’horrible piano faux, criard, pleureur, de la boite duquel on retire à la fin de chaque semaine quelques verres, quelques soucoupes, des boutons de culotte, des fleurs fanées et un ou deux sandwichs rances. Sur le piano le chapeau gras d’un musicien maigre. Au comptoir, une femme coiffée à « la chien. »

Drelin ! din ! din ! la caissière agite une sonnette ; une chanteuse se lève d’un geste d’automate, montre ses dents pour faire croire qu’elle sourit, et, les bras ballants, la tête haute, entame d’une voix éraillée le couplet en vogue.

De temps en temps, un petit coup d’œil, comme Judic ! — un petit coup de hanche, comme Théo ! — une petite grimace, comme Céline Chaumont.

Attention ! voici le moment solennel qui approche ; il s’agit de lancer l’ut (!) de poitrine au bout duquel est la quête. Le pianiste parait endiablé il joue des mains, de la tête et des pieds. Bravo ! bravo ! les amoureux (il y en a toujours huit sur dix) applaudissent à tout rompre, et, la déesse descend de son trône rapidement, de peur qu’un consommateur ne se retire trop tôt.