Page:Fraigneau - Rouen Bizarre.djvu/74

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présentent des demoiselles fanées vêtues de rose et de vert, les pièces de deux sous amassées péniblement par un labeur quotidien. Pour ce prix, ils rapportent tard, chez eux, la migraine des mauvais bocks et l’insanité de quelque refrain idiot.

Il faut, pour se faire une idée exacte de ces « centres artistiques, » les visiter tous, les uns après les autres, depuis ceux qui s’étalent dans les quartiers les mieux fréquentés jusqu’à ceux qui se cachent dans les parages excentriques ; depuis ceux où l’on boit le kummel frelaté jusqu’à ceux où l’on sert le vin chaud dans les saladiers ; depuis ceux où l’on glapit jusqu’à ceux où l’on hurle. Le spectacle est quelquefois drôle, le plus souvent écœurant.

Vers dix heures, le grand vacarme atteint son maximum d’intensité. C’est le bon moment pour le curieux d’opérer une entrée. La salle est chauffée à point ; l’air est imprégné de tout autre chose que de l’odeur des foins fraîchement coupés, la bière coule à flots dorés des tonneaux éventrés, un nuage de fumée se heurte au plafond jauni, enveloppant comme dans une gaze impalpable trois chan-