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Page:Fraigneau - Rouen Bizarre.djvu/79

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actrices, s’assoient autour de la table. Ce n’est plus alors du vacarme comme dans les cafés-concerts, c’est du « chahut. »

Il semble qu’il y ait pour ces endroits une spécialité de refrains plus ineptes que ceux auxquels nous sommes habitués, et une spécialité de chanteuses plus grasses encore que celles des cafés-concerts des quartiers moins excentriques. Là, il n’est pas défendu de chanter en même temps que les artistes ; le bon goût, au contraire, consiste à prouver la force de ses poumons, en criant plus fort que son voisin. Les vieux calembours usés volent de bouche en bouche dans la lourde fumée des pipes ; la grosse gaîté franche, sans vergogne, puisée dans le vin aigre, le cidre frelaté, l’absinthe qui brûle la gorge se communique au musicien, au chanteur, buvant un peu dans tous les verres.

Chaque sou qui tombe dans la sébille des artistes est accompagné d’un mot épicé, d’une gauloiserie énorme. Et, avec son air de bonne fille habituée aux réjouissances grossières, la chanteuse rit avec tout le monde, mais de préférence avec les soldats qui se reposent de la monotonie de l’exercice dans la vieille caserne Saint-Vivien, en regardant avec des yeux étincelans l’espèce de Vénus Hottentote que l’illusion puisée au fond des cho-