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Du marbre et du granit, de la tourbe et du fer,
Et partout de vieux pins, respectés par l’hiver.

Que ces monts, ô nature, annoncent ta puissance !
Même en leur nudité, quelle magnificence !
Et comme avec de l’eau, des cailloux et du tems,
Tu pares ces déserts de charmes éclatans !

 Les fragmens des rochers en sable se réduisent ;
L’eau filtre ; l’herbe nait ; les genets se produisent ;
Le vent disperse au loin la graine des Bouleaux.
D’autres arbres, partout, semés par les oiseaux,
De leurs feuillage épais tapissent les valées,
Qu’embaument de leurs fleurs les odeurs exhalées,
La grappe de corail dont brille l’arboisier,[1]
Tranche avec la noirceur des fruits du mérisier.
À travers leurs rameaux, les rochers resplendissent ;
Les grenats, le porphire au loin vous éblouissent ;
Vous croiriez voir ces murs, qu’un conte oriental
Bâtit d’acier luisant, d’agate et de cristal.
De ces rocs, la nature a fait des colonnades,
Des cônes élancés, de saillantes arcades.
Souvent les flots, gênés par leur éboulement,
Ont, dans le roc percé, pris leur écoulement.

Sur ces monts, qui du globe assurent l’équilibre,
Dans ses créations la nature plus libre,

  1. C’est le sorbier des oiseleurs, [qu’on nomme arboisier, dans les Vôges] ; arbuste remarquable, par sa résistance au grand froid, par l’élégance de son port, sa verdure précoce, les ombelles de fleurs dont il se décore au printems, les beaux corimbes de ses fruits successivement verds, orangés, écarlates, qui attirent les grives et des nuées d’autres oiseaux ; et subsistent jusqu’en hyver.