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Ô vous, qui des Chinois affectant la manie,
Croyez que d’un jardin la nature est bannie,
S’il ne renferme pas des ruines, des monts,
Des rivières, des bois, des aqueducs, des ponts ;
Sortez de ces enclos, où la vaine Angleterre
Voulant, dans un arpent, montrer toute la terre,
Tourmente un terrain plat pour en faire un côteau,
Et vous fabrique un lac de quelques gouttes d’eau.
De grâce, laissez-là ses extraits de rocailles,
Ses bois plantés d’hier, ses jeunes antiquailles ;
Venez voir un jardin superbe, illimité,
Et qui par l’art de Kent ne peut être imité.[1]
Peintres, dessinateurs, artistes et poëtes,
Quittez de vos cités les mesquines retraites.
Venez voir la nature en ce grand attelier,
Si c’est elle, en effet, qu’il vous faut copier.

 Des hauteurs de Châté, contemplez la Moselle.
Que Charme est bien placé ! que cette rive est belle !
Ah ! faut-il s’étonner qu’en ces lieux pleins d’attraits,
De l’aimable nature épiant les secrets,
Gelée ait pu tracer ces riants paysages,[2]
Ces ciels purs, ces beaux soirs, ces vaporeux nuages,
L’air qui joue à travers ces épis ondoyans,
Ces arbres agités et ces lointains fuyans ?

    chute d’un ruisseau qui sort du lac, dont les eaux se sont ouvert un lit à travers des rochers, et se brisent avec fracas contre leurs anfractuosités. (Sivry, voyage minéralogique des Vôges.)

  1. Jardinier célèbre de Londres, grand copiste des Chinois.
  2. Le Lorrain, fameux paysagiste, né à Chamagne, près de Charmes.