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Ce grand peintre naquit au pié de nos montagnes :
Il a dans ses tableaux transporté nos campagnes.

Les Vôges, si pourtant je ne m’aveugle pas,
Tous les jours, à mes yeux, ont de nouveaux appas.
Les habitans sont bons, leurs compagnes sont belles.
J’aime sur-tout les mœurs simples et naturelles,
Le style sans apprêt de ce franc montagnard :
C’est son cœur qui vous parle, et son cœur n’a point d’art.
Sa loyauté gauloise a l’air un peu gothique ;
Mais cet air peut cacher un Socrate rustique.
Du vieil Anabaptiste, avec ses bœufs vivant,
L’entretien vous étonne et vous charme souvent.
Aux piés du Rotabach,[1] sept mois couvert de neige,
La Bresse a, de tout temps, gardé le privilège
De voir ses citoyens, sans chicane et sans frais,
Unir, sous un tilleul, la justice et la paix.
Cette simplicité n’exclud pas le génie ;
Chez eux, la méchanique au bon sens est unie.
De ces monts reculés les grossiers habitans
Ont trouvé des moyens de mesurer le tems.[2]
Chacun, près de sa grange, amène une fontaine,
La dérive en ses prés, et féconde avec peine
Des veines d’un sol froid, où des blocs de rocher

  1. Haute montagne audessus de la Bresse, commune distinguée par ses anciennes lois coutumières, qui se sont conservées long-tems, sans être écrites. La manière dont la justice se rendait à la Bresse, était une image anticipée de cette sainte justice de paix, qui immortalisera Touret, son auteur, et qui est la perle de la Constitution.
  2. Les Horloges de bois.