Page:François de Neufchâteau - Les Vosges, poème récité à Épinal, 1796.pdf/22

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
18

Pourrais-je t’oublier, homme aimable et profond,
Ami de mon enfance, élève de Buffon,
Qui fus digne, sous lui, de peindre la nature,
Qui voulus avec moi chanter l’agriculture
Aux arts, à tes amis, à ta mère enlevé,
Et de ta gloire, hélas ! avant le tems privé ?
C’était toi, cher Bexon… ![1] ô destin déplorable !
Pour les Vôges, sur-tout, ô perte irréparable !…
Il eût peint son pays. Il l’aurait fait aimer…

Mais dois-je à mes regrets me laisser consumer ?
Je crois de cet ami voir l’ombre vénérée
Qui cherche dans mes vers sa patrie adorée,
Qui m’ordonne, en pleurant, d’achever mon projet,
Et fait grâce à mon style, en faveur du sujet.

Eh ! bien, je t’obéis, ombre à jamais chérie.
Tu pouvais, mieux que moi, célébrer la patrie ;
Elle eût, sous ton pinceau, retrouvé ses couleurs.
Puissai-je, sur tes pas, y glaner quelques fleurs !

Avançons vers le sud, sa chaleur me captive.
Allons voir du Noirmont la belle perspective :[2]
De Langre et de Vesoul on découvre les tours ;
L œil croit suivre, à Lyon, la Saône dans son cours.

  1. Auteur du catéchisme d’agriculture, [ouvrage qui mériterait d’être réimprimé,] d’une partie de l’histoire des oiseaux, d’une histoire de Lorraine dont on n’a qu’un volume, etc. etc. Il est mort jeune.
  2. La montagne pyramidale qu’on appèle Noirmont, renferme le Clerjus, commune limitrophe de celles de la haute-Saône. On y jouit des points de vue les plus beaux, les plus étendus. Quand le tems est serein, avant le lever du soleil, l’observateur distingue le St.