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Ils en ont plusieurs fois dépassé le rempart ;
Mais nos Vôges du moins n’ont cédé qu’à César.[1]

Elles ont pu sans honte, avec la terre entière,
Sous un tel conquérant, baisser leur cime altière.
Mais comment supporter, sans indignation,
Du règne féodal la longue oppression ?

Sur ces monts écartés, les nobles et les prêtres
De nos libres pasteurs n’eussent pas été maîtres.
La force n’eût rien fait. L’adresse des tyrans,
Pour fasciner les yeux de ces pâtres errans,
Prit un air de vertu, de piété profonde,
Et s’empara de tout, en renonçant au monde.
Les Peuples dépouillés furent serfs et chrétiens.
L’église du Dieu pauvre eut seule tous les biens.
La superstition servait le despotisme ;
Le despote, à son tour, choya le fanatisme.
Au pié de tous les deux le serf dut soupirer
Tant qu’il ne sut pas lire et n’osa s’éclairer.
Combien de tems, hélas ! il fut sans espérance !
Quel opprobre, grand Dieu ! quelle affreuse ignorance !

  1. Jules César parle des Vôges dans ses commentaires sur la guerre des Gaules. Il dit que la Meuse prend sa source dans la montagne de Vôges, aux confins du pays de Langres. Lucain en parle de même dans la Pharsale. Il n’y avait, alors, aux environs, d’autre ville connue que celle de Langres. Jusqu’au septième siècle, les Vôges n’étaient qu’un désert inaccessible, couvert de bois, inondé d’eaux croupissante, rempli d’ours, de bœufs sauvages, &c. &c. (D. Calmet, description de la Lorraine, &c. tome 2, in-fol.).