Et si nous ne voulons pas traiter les autres hommes comme nos propres frères, ce qui ne serait pas, en certains cas et loin de là, traitement de faveur, nos frères sont aussi des hommes, et il nous restera de les associer avec les autres hommes, dans une même amitié, que nous n’appellerons fraternelle que pour simplifier.
Parce qu’ils sont nos frères, cela ne sous-entend nullement que les autres hommes soient nos semblables ; c’est cette expression de « semblables » qui a déterminé bien souvent entre eux un malentendu, précisément, une confusion et une irritation inutiles. Il y a des frères, comme nous avons dit, frères par le sang, du même père et de la même mère, réellement frères, et qui sont aussi dissemblables que possible, qui diffèrent du tout au tout : et ce ne sont pas toujours ceux qui s’aiment le moins.
On s’étonne et l’on s’interroge : que font un même père et une même mère, que font la naissance et le sang, puisque nourris du même lait, élevés, choyés de la même façon, soumis exactement aux mêmes disciplines, ayant reçu les mêmes leçons et profité des mêmes exemples, il arrive presque toujours un instant où deux frères prendront chacun des directions différentes, où l’on s’apercevra que, sans que l’on sache d’où, ni comment, ni à