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GUIDE DU BON SENS

La détestable aventure de Caïn et d’Abel s’est trop souvent renouvelée depuis le Déluge, et dans les meilleures familles et du meilleur monde, pour que nous ayons la naïveté de croire que le lien de sang soit un dictame, une panacée, et qu’il ne puisse y avoir ni frères rivaux, ni frères ennemis.

Être frères, frères par le sang, du même père et de la même mère, réellement frères, ne suffira pas pour qu’on se déteste, mais n’est pas non plus une assurance prise une fois pour toutes, d’affection inébranlable et d’indéfectible dévouement.

Et si nous disons qu’entre frères, il y a présomption d’affection, présomption de dévouement, ce sera déjà quelque chose, n’ignorant point, par ailleurs, que d’aucuns nient cette présomption, et même est-ce tout juste s’ils n’y voient pas la présomption contraire : ceux-là ne vont-ils pas répétant, en effet, que les étrangers dont nous faisons nos amis ont cette supériorité sur nos frères et tous autres parents, qu’eux, du moins, nous les choisissons, tandis que frères et parents, nous ne les avons pas choisis.

C’est bien le drame que Caïn n’ait pu arriver à choisir pour ami Abel, ou Abel Caïn. Mais qui nous empêche de nous efforcer à cette amitié, pour nos frères d’abord, et pour tous les hommes ?