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GUIDE DU BON SENS

le premier paquet d’eau reçu, et non toute l’eau qui coulera ensuite…

Un mot, et souvent moins qu’un mot : un froncement de sourcil, un haussement d’épaules ; le langage du bon sens a sa pantomime, qui n’est pas toujours la moins explicite.

Sous cette réserve, pourquoi serait-il interdit au bon sens de parler comme tout le monde ? L’homme de bon sens n’annonce pas : — Je parle le langage du bon sens ! — mais il ne prononce que des paroles opportunes ; car le langage du bon sens doit se reconnaître surtout à son opportunité.

Et même ne serait-il pas défendu que l’on y cherchât midi à quatorze heures, si l’on avait constaté auparavant que la montre, sur laquelle il s’agit de chercher l’heure, avance régulièrement de cent vingt minutes.

Il n’existe aucun bonne raison de laisser aux insensés, aux exaltés, le privilège des expressions les plus nobles, imagées et émouvantes ; le tout est de savoir pourquoi et pour qui l’on s’en sert, et de ne jamais s’en servir sans mesurer et hors de saison.

Ce que l’on reproche à ces lyriques, à ces politiques, à ces amants, ce n’est pas leur exaltation, mais de l’exprimer constamment, même quand ils sont parfaitement calmes, c’est de s’exalter au commandement, à froid, avec des mots, n’importe quels mots, en sorte