Ces orateurs, qui sont à la tribune comme sur un trépied, leurs lèvres frémissantes semblent obéir à une agitation mystérieuse, venue d’on ne sait où, car eux-mêmes ne le savent guère, et même ils s’en vantent : ils se vantent de n’être plus les maîtres de leurs paroles, qui leur sont dictées uniquement par l’inspiration ; plus simplement ils vous confieront qu’ils ne peuvent penser à ce qu’ils disent, attendu qu’ils ne peuvent penser qu’en parlant.
Ce synchonisme singulier et un peu inquiétant de la pensée et de la parole, il est bien évident que tu ne le retrouveras pas dans le langage du bon sens, où ce qui caractérise la moindre parole prononcée est que celui qui la prononce a réfléchi avant de parler.
C’est pourquoi il est arrivé qu’au milieu d’une période désordonnée, une simple interruption de bon sens, qui n’est jamais qu’un rappel à l’ordre raisonnable, et à la discipline de l’esprit, produisait l’effet d’une douche bienfaisante sur le feu de l’inspiration.
Le bon sens n’a pas besoin d’arrondir ses phrases ou d’en chercher très long ; il lui suffit parfois d’un mot, d’une exclamation ou d’une épithète, comme le doucheur n’avait d’autre geste à faire que d’ouvrir un robinet ; et la réaction causée par la douche, c’est le premier jet du robinet, la première pluie ou