Page:Franc-Nohain - Guide du bon sens (1932).djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

60

GUIDE DU BON SENS

a des animaux vicieux, méchants ou goinfres ; il n’y a pas d’animaux orgueilleux.

POLYDOXE. — D’un homme orgueilleux, cependant, cher Eudoxe, n’avez-vous pas accoutumé de dire : — C’est un paon !

EUDOXE. — Nous croyons le paon orgueilleux de ses plumes, comme tous les Léons de la chrétienté veulent se persuader qu’il passe le temps à les appeler, à appeler : — Léon !… Quand ils les perdent, ces plumes, à travers le poulailler, les paons s’arrêtent-ils pour les ramasser et en déplorer la perte ? Et cette façon même de les étaler quand nous les en prions : — Vous aimez ça ? Prenez-les… — ce n’est pas de l’orgueil, c’est de l’inconscience.

POLYDOXE. — Les femmes, si fières d’étaler à leur tour, sur le rebord d’une loge d’opéra, leur large éventail de plumes, sont donc inconscientes, cher Eudoxe ?

EUDOXE. — Ce sont des femmes, cher Polydoxe. L’orgueil est si peu un sentiment naturel, que le premier mouvement d’un animal, quel qu’il soit, n’est pas de se montrer, c’est de se cacher. Si elle les avait faits orgueilleux, la nature se fût-elle ingéniée à leur donner le plus souvent des pelages ou des plumages de telle couleur qu’on les confondît avec la couleur du sol ou des feuilles ? Eût-elle créé le caméléon ?

POLYDOXE. — Nierez-vous qu’un pur sang ne