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GUIDE DU BON SENS

EUDOXE. — Qui donc, n’est-ce pas, sur un si beau trait, voudra prétendre encore que la conversation se meurt et que l’on ne sait plus causer ? Des caves que l’on qualifie pompeusement de bibliothèques, des dissertations et des controverses sur la préparation d’une sauce comme sur la composition d’un poème, voilà dont le bon sens s’irrite davantage, quand les gens ont si peu de temps et auraient si peu d’esprit à perdre !… Aimez-vous les fraises, cher Polydoxe ?

POLYDOXE. — Cher Eudoxe, j’adore les fraises.

EUDOXE. — Les adorer, c’est peut-être beaucoup ; mais il est vrai que peu de fruits les passent en parfum, en saveur, et c’est pourquoi je veux leur comparer les meilleurs fruits de notre cœur et de notre cerveau, notre sensibilité, notre intelligence. Or, n’avez-vous pas vu dans nos potagers comment parfois le plus magnifique plant de fraises est peu à peu envahi par cette végétation parasite dont les pousses hardies s’enroulent cyniquement autour des fraisiers qu’elles étouffent ? Et savez-vous le nom de ces parasites, cher Polydoxe ?

POLYDOXE. — Dites ce nom vous-même, cher Eudoxe !

EUDOXE. — On les appelle des gourmands.