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le plus souvent perdus, celle des éditions posthumes qui a été faite dans les meilleurs conditions pour reproduire la pensée de l’auteur. Ainsi nous donnons les Essais d’après le bon et vieil exemplaire de mademoiselle de Gournay et nous suivons, pour les pièces que Molière ne fit pas lui-même imprimer, le texte que produisirent ses camarades Lagrange et Vinot.

Cette réforme n’est pas un caprice qui nous est propre : elle est dans l’esprit du temps et elle éclate de divers côtés. Le public recevrait mal aujourd’hui des classiques mis à la mode du jour. Un Rabelais « accommodé en nouveau langage » n’aurait pas la fortune qu’il eut au xviie siècle. Les formes grammaticales et orthographiques des écrivains classiques ont acquis pour nous le prix qui s’attache aux choses anciennes. Mais il faut avouer que, si l’on suit enfin les éditions originales, on les suit généralement de trop loin. Si le temps n’est plus où M. Aimé Martin, littérateur hautement estimé d’ailleurs, accueillait dans son texte de Racine des corrections introduites par La Harpe sous prétexte d’élégance et de bon goût, il n’est pas moins vrai que M. Burgaud des Marets a pu, il y a quelques années, relever plus de trente mille fautes dans la meilleure des rééditions de Montaigne. Plus récemment encore on a constaté, dans une édition nouvelle de Rabelais, une omission de neuf lignes dans un même livre, et cela parce que l’éditeur