Page:France - Opinions sociales, vol 1, 1902.djvu/10

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dant le petit ramoneur l’a suivie jusqu’à sa porte ; il reste en extase sous les fenêtres de l’adorable jeune fille… Cela va-t-il ?

» — Mais, oui…

» — Je poursuis. Le lendemain matin, Edmée, couchée dans son petit lit blanc, voit le petit ramoneur sortir de la cheminée de sa chambre. Il se jette ingénument sur la délicieuse enfant et la couvre de petits O de suie, tout ronds. J’ai oublié de vous dire qu’il est d’une beauté merveilleuse. La comtesse de Linotte le surprend dans ce doux travail. Elle crie, elle appelle. Il est si occupé qu’il ne la voit ni ne l’entend.

» — Mon cher Marteau…

» — Il est si occupé qu’il ne la voit ni ne l’entend. Le comte accourt. Il a l’âme d’un gentilhomme. Il prend le petit ramoneur par le fond de la culotte, qui précisément se présente à ses yeux, et le jette par la fenêtre.

» — Mon cher Marteau…

» — J’abrège… Neuf mois après, le petit ramoneur épousait la noble jeune fille. Et il n’était que temps. Voilà les suites d’une charité bien placée.

» — Mon cher Marteau, vous vous êtes assez payé ma tête.

» — N’en croyez rien. J’achève. Ayant épousé Mlle de Linotte, le petit ramoneur devint comte du Pape et se ruina aux courses. Il est aujourd’hui fumiste rue de la Gaîté, à Montparnasse. Sa femme tient la boutique et vend des salamandres, à 18 francs, payables en huit mois.