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Et il avertit le public que si ces manifestations indécentes se reproduisaient, il ferait évacuer la salle. Cependant la défense agitait triomphalement les manches de sa robe, et l’on pensait en ce moment que Crainquebille serait acquitté.

Le calme s’étant rétabli, Me Lemerle se leva. Il commença sa plaidoirie par l’éloge des agents de la Préfecture, « ces modestes serviteurs de la société, qui, moyennant un salaire dérisoire, endurent des fatigues et affrontent des périls incessants, et qui pratiquent l’héroïsme quotidien. Ce sont d’anciens soldats, et qui restent soldats. Soldats, ce mot dit tout… »

Et Me Lemerle s’éleva, sans effort, à des considérations très hautes sur les vertus militaires. Il était de ceux, dit-il, « qui ne permettent pas qu’on touche à l’armée, à cette armée nationale à laquelle il était fier d’appartenir ».

Le président inclina la tête.

Me Lemerle, en effet, était lieutenant dans la territoriale. Il était aussi candidat nationaliste dans le quartier des Vieilles-Haudriettes.

Il poursuivit :

« Non certes, je ne méconnais pas les services modestes et précieux que rendent journellement les gardiens de la paix à la vaillante population de Paris. Et je n’aurais pas consenti à vous présenter, messieurs, la défense de Crainquebille si j’avais vu en lui l’insulteur d’un ancien soldat. On accuse mon client d’avoir dit : « Mort aux vaches ! » Le sens de cette phrase n’est pas douteux. Si vous feuilletez le Dictionnaire de la langue verte, vous y